domingo, 17 de junho de 2012

MACHADO DE ASSIS e FRANÇOIS MAURIAC: CAPITU et THÉRÈSE.


                                                              MACHADO DE ASSIS


   


  
FRANÇOIS   MAURIAC


DEUX FEMMES ET DEUX AUTEURS : Une comparaison. ( Thérèse et Capitu : 

François Mauriac et Machado de Assis)



ELSA CARAVANA GUELMAN
DEUX FEMMES ET DEUX AUTEURS:   Elsa Caravana Guelman


 Thérèse, femme fascinante, est présentée au lecteur quand elle sort du Palais de Justice. Elle personnifie le péché à son plus haut degré . C’est la conception de l’auteur, François Mauriac dans Thérèse Desqueyroux. Pour lui le péché, dans ce roman, est entièrement passif. C’est –à- dire, un péché qui ne dépend pas de la volonté intime, consciente, car il est involontaire . Le péché arrive jusqu’à Thérèse par lui-même, inonde son âme, sans qu’on puisse rien faire,
François Mauriac1, dans la préface de “La fin de la nuit” affirme qu’ il y a un pouvoir et que ce pouvoir est “départi aux créatures les plus chargées de fatalité, --- ce pouvoir de dire non à la loi qui les écrase.” Dans tout le roman, Thérèse ne cesse “de réagir contre la puissance qui lui est donnée pour empoisonner et pour corrompre”. C’est une fatalité tellement forte que c’est elle qui pousse le personnage. Ce n’est pas sa volonté consciente qui le commande dans son action de criminelle passive.
La conclusion de l’auteur est que Thérèse “appartient à cette espèce d’êtres ( une immense famille) qui ne sortiront de la nuit qu’en sortant de la vie.” Seulement la mort peut faire disparaître la nocivité qui leur est immanente.
Dans le roman, Thérèse a tenté d’empoisonner son mari, Bernard Desqueyroux. Mais , au jugement, pour éviter le scandale et protéger les intérêts de leurs familles, il dépose de manière convaincante et elle, entre les deux gendarmes dans le box des accusés, ést bénéficiée d’un non lieu, encore
que l’atmosphère nébuleuse suggère la culpabilité de Thérèse. Ensuite elle découvre une prison plus terrifiante que celle de la justice, qui va lui être appliquée par son mari, un juge impitoyable.
Thérèse, au Lycée, a « l"orgueil d"appartenir à l"élite humaine » Puis elle n’en a pas conscience et sans réfléchir elle fait un mariage d’intérêt, un mariage sans passion. Son existence est vide et elle se sent désolée dans sa vie bourgeoise, dont le futur lui est inconnu, un futur sans espoir. C’est un roman de la province ; il se passe à Argelouse, à dix kilomètres de Saint-Clair, avec ses bourgeois et ses paysans. Il y a chez eux un profond respect pour certaines valeurs : l’amour de la famille, l’amour de la terre et, par conséquent , l’ amour de la propriété rurale. Ainsi, les hectares de Bernard ne laissent pas Thérèse indifférente, donc « elle avait toujours eu la propriété dans le sang ».
L’époux de Thérèse est, donc, un homme de la terre, de tempérament indifférent. Il a des goûts sauvages, c’est un aimant de la chasse et diffère du héros de Flaubert, Bovary , par son incapacité d’aimer et par son coeur sec. Il est aussi calculateur, mesquin et autoritaire. Il y a un autre personnage, séducteur, égoïste et froid, nommé Azevedo, qui éveille chez Thérèse des sentiments de révolte et cherche à lui décharger la conscience. C’est une figure diabolique quand il veut transformer Thérèse en citant des théories nihilistes. Il n’a jamais prétendu l’inciter au crime, mais il déforme l’image de Bernard, qui se transforme alors en obstacle à sa liberté.
Le roman se termine dans le café de la Paix
, à Paris. Thérèse et Bernard sont à l’angle que le boulevard des Capucines fait avec la place de l’Opéra, quand ils se séparent en définitif. Elle a passé par une longue période de torture et de souffrances , qui se déroule pour Thérèse depuis qu’elle est retournée libre. Bernard lui demande: “Pourquoi avez-vous fait cela ? Vous pouvez bien me le dire, maintenant ...” Elle lui répond à la fin d’ un dialogue contraint : “Si vous saviez à quelle torture je me suis soumise pour voir clair... Mais toutes les raisons que j’aurais pu vous donner, comprenez-vous, à peine les eussé-je énoncées, elles m’auraient paru menteuses...”.
Le lecteur et aussi l’auteur ont devant eux une interrogation pour comprendre le roman et l’ambiguïté de Thérèse, qui ignore les mobiles de ses actes: “Pourquoi Thérèse a-t-elle voulu empoisonner son mari ?”
Une autre femme fascinante est sûrement Capitu, personnage principal du roman “Dom Casmurro”, de Machado de Assis. José Dias, un protégé de la famille, au cours d’une conversation avec Bentinho la définit ainsi : « des yeux de gitane, oblique et dissimulée” . Cette comparaison ouvre les yeux de Bentinho, qui va découvrir un amour de plus en plus croissant dans son coeur palpitant. Quand il retrouve Capitu, aprés un dialogue avec José Dias, et la regarde bien, plusiers fois, dans ses yeux et les compare à la mer : des » yeu de ressac » .Il en est enchanté ! . Ce sont des yeux de ressac. Pourquoi ? Parce que ses yeux paraissent avoir une force qui entraîne, comme la vague qui se retire de la plage , les jours de ressac.
Capitu et Bentinho se connaissaient depuis longtemps, quand ils étaient enfants et vivaient , selon de José Dias ( “toujours ensemble, dans les coins, en secret,» ). La mère de Bentinho avait fait la promesse de le faire prêtre. Mais Bentinho ne le voulait pas. Les amoureux surmontent plusieurs obstacles et ils affronterent beaucoup d’ intrasigeances. Un ami de Bentinho, Escobar, son camarade du séminaire, était son appui et son conseiller.
Enfin, Capitu et Bentinho se marient ; Escobar, aussi, se marié avec Sancha et les deux couples vivent presque toujours ensemble pendant plusieurs années. C’est une simple histoire d’amour, qui aurait pu avoir une fin heureuse. Mais l’histoire se complique quand , un matin, Escobar se noie dans la mer. Bentinho observe Capitu devant le cadavre de son ami, et remarque que les « yeux de ressac » expriment toute sa passion. Ses yeux grands ouverts fixent le mort, comme la vague de la mer, comme si elle voulait avaler, elle aussi, le noyé.
Les événements se succèdent rapidement. La ressemblance entre Ezequiel, fils de Bentinho, et Escobar s’accentue. C’est la preuve de la trahison de Capitu . Bentinho est sûr que Capitu a éte la maîtresse d’ Escobar . Il se demande: Pourquoi ne les ai-je pas étranglés, un jour, quand je les ai trouvés seuls, les yeux dans les yeux...
La séparation a lieu ensuite. Capitu s’embarque avec son fils pour la Suisse
et Bentinho reste seul chez lui, plein de réminiscences.
La conclusion de l’auteur est la suivante:
“Maintenant , pourquoi aucune de ces femmes capricieuses ne me fit-elle oublier la première bien-aimée de mon coeur ? C’est peut-être parce qu’aucune n’avait les yeux de ressac, ni ces yeux de gitane, oblique et dissimulée. Mais ce n’est pas proprement cela le reste du livre. Le reste, c’est de savoir si la Capitu de la plage de la Gloria
était déjà dans celle de Matacavalos ou si celle-ci s’était transformée en celle-là par l’effet de quelque circonstance accidentelle. Mais moi, je ne le crois pas, et toi, tu seras d’accord avec moi: si tu te souviens bien de Capitu petite-fille, tu reconnaîtras que l’ une était dans l’autre, comme le fruit dans son écorce.”
Ainsi, chez Capitu , il y a la même notion de nocivité que chez Thérèse. Et la question de Bentinho, c’est la même question que Mauriac s’est posée à propos de Thérèse. Thérèse et Capitu sont jugées par leurs maris. La thématique des romans obéit, cependant , a de différents procès de jugement en raison de la conception personnelle de leurs auteurs.
François Mauriac, écrivain essentiellement religieux, dans son ouvre « La fin de la nuit », prépare une fin chrétienne pour Thérèse. Elle se répare de son péché en se préparant à mourir en extase. Dieu la pardonne et la reçoit dans son règne. Et l’écrivain se sent soulagé pour avoir sauvé l’âme de Thérèse, qui était condamnée par la religion et par la morale.
Machado de Assis n’est pas un écrivain religieux, c’est un sceptique. Il ne prépare pas la réhabilitation de Capitu pour sa satisfaction personnelle ni pour sauver l’âme de la femme aux yeux de ressac . Lui, ou mieux , Bentinho, accepte Capitu comme elle est sachant qu’il est impossible de la changer, mais ne la pardonne pas et l’exclut de sa vie comme s’ il l’excluait du monde entier.
Mauriac laisse le lecteur plonger dans la croissante densité psychologique qu’il imprime en Thérèse, depuis le premier instant où elle décide d’ empoisonner son mari jusqu’au moment de la conclusion de son acte criminel, quand, par fatigue, ou sans doute, par paresse, elle se tait et laisse Bernard répéter la dose fatale, parce que l’acte est déjà en elle sans qu’elle le sache.
Machado ne fait pas une analyse psychologique de ses personnages ni ne leur donne la possibilité de se défendre et de faire leur choix.. Les faiblesses, les frustations et les désirs véhéments de Bentinho sont connus, car c’est lui même qui raconte son histoire et il peut ainsi se questionner devant la fragilité de la condition humaine.
Le fondement de toute cette analyse finale, c’est pour démontrer que, dans l’oeuvre de Mauriac, il y a une preuve suffisante pour condamner Thérèse et dans l’oeuvre de Machado de Assis il n’ y pas de preuve suffisante pour condamner Capitu. Tout se passe dans la vision de Bentinho. Est-ce une vision réelle ou une vision imaginaire, produit de la jalousie, que Bentinho n’a pas réussi à vaincre ?

Nenhum comentário:

Postar um comentário